Stendhal

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Puisqu'il n'est au pouvoir de personne d'échapper à la loi commune, du moins Stendhal nous explique-t-il - il a vingt et un ans - la mort qui lui paraît la plus convenable, la plus propre, c'est celle où "le corps ne triomphe point", qui se passe simplement, sans souffrance, dans un beau paysage. Celle de Brutus par exemple, telle que la conte Plutarque : "Sa mort près de cette petite rivière aux abords très élevés en-delà de ces grands arbres, sous le ciel très étoilé de la Macédoine, près de cette grande roche où il s'était assis d'abord, est la plus touchante pour moi de toutes celles que je connais. Elle a quelque chose de divin. Le corps n'y triomphe point. C'est une âme d'ange qui abandonne un corps sans le faire souffrir. Elle s'envole."

Tout se passe comme si Stendhal, dans son oeuvre romanesque, avait décidé de mettre entre parenthèses cette inconvenance, cette grossièreté : la mort.

Il refuse de la décrire et l'exclut de son univers créateur. Ne pouvant la supprimer, il la sublime pour l'exorciser. Sans doute tous ses héros meurent jeunes, presque toujours tragiquement, ou se laissent-ils mourir s'ils ne se retirent pas dans une chartreuse. Mais cette sortie de scène est discrète, comme désincarnée, tout se passe simplement, même s'il s'agit d'une exécution capitale, proprement, poétiquement: c'est l'euthanasie littéraire qui est la manière de Stendhal de se révolter contre la mort.

A l'opposé du christianisme, la volonté païenne de Stendhal d'exorciser la mort, au point même parfois d'en faire une fête, apparaît avec éclat dans toute son oeuvre romanesque, par un phénomène de compensation en rupture avec la réalité.

Dans Armance, le suicide d'Octave de Malivert, qui dénoue la tragédie, est sans doute le plus caractéristique de cette euthanasie littéraire. Sa mort est voulue, elle est douce, belle, exempte de souffrance, elle se passe au large de la Grèce dans une nuit constellée d'étoiles : "Jamais Octave n'avait été sous le charme de l'amour le plus tendre comme dans ce moment suprême . Un mousse du haut de la vigie cria : Terre ! C'était le sol de la Grèce et les montagnes de la Morée que l'on apercevait à l'horizon. Un vent frais portait le vaisseau avec rapidité. Le nom de la Grèce réveilla le courage d'Octave ; Je te salue, se dit-il, ô terre des héros ! et à minuit le 3 mars, comme la lune se levait derrière le mont Kalos, un mélange d'opium et de digitale préparé par lui délivra doucement Octave de cette vie qui avait été pour lui si agitée. Au point du jour on le trouva sans mouvement sur le pont, couché sur quelques codages. Le sourire était sur ses lèvres et sa rare beauté frappa jusqu'aux matelots chargés de l'ensevelir."

Octave a choisi sa mort, mais non pas Béatrix Cenci, elle, puisque meurtrière de son père pour sauver son honneur, elle est atrocement torturée avant d'être conduite au supplice. Voici pourtant en quels termes Stendhal décrit son enterrement : "A neuf heures et quart du soir, le corps de la jeune fille recouvert de ses habits et couronné de fleurs avec profusion, fut porté à Saint-Pierre in Montorio. Elle était d'une ravissante beauté; on eût dit qu'elle dormait ." Avec parfois, même dans les moments les plus tragiques, un clin d'oeil au lecteur : "Pendant qu'on mettait en ordre la mannaja pour la jeune fille, un échafaud chargé de curieux tomba et beaucoup de gens furent tués. Ils parurent ainsi devant Dieu avant Béatrix."

Реферат опубликован: 11/04/2007