Stendhal

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C'est encore une des singularités de Stendhal que ce romancier de la chasse au bonheur ait été hanté toute sa vie par l'idée de la mort.

La mort, il en fait la cruelle expérience dès l'âge tendre. Elle le frappe enfant à travers les siens. Il perd sa mère, on le sait, alors qu'il a sept ans et ce coup du destin le bouleverse. A tel point qu'on peut dire qu'il y a eu deux périodes dans sa vie affective : avant la mort de sa mère et après.

De 1828 à 1840 toutefois il n'établit pas moins de trois douzaines de testaments. La vieillesse le hante autant que la mort et il nous raconte au début d'Henri Brulard comment, s'apercevant qu'il va avoir bientôt cinquante ans, il inscrit cette constatation à l'intérieur de sa ceinture. Simple originalité sans signification? La pudeur l'empêche d'en dire plus mais son cousin Romain Colomb parle pour lui : "Cette découverte l'affligea comme aurait pu le faire l'annonce inopinée d'un malheur irréparable." Ses romans aussi : "Le comte [Mosca] avait atteint la cinquantaine. C'est un mot bien cruel et dont peut-être un homme éperdument amoureux peut sentir tout le retentissement."

En dehors des deuils personnels sa première enfance est marquée par les violences de l'époque révolutionnaire et sa jeunesse par les guerres de l'Empire. La mort, il la voit nue sur les champs de bataille de l'Europe : villes incendiées, ventre ouvert des chevaux, blessés brûlés vivants, cadavres défigurés des soldats sur lesquels passent les voitures ou que l'on jette dans la rivière.

Pourtant, même à la guerre, le "touriste" ne perd pas ses droits. Près d'Enns, un incendie lui arrache cette notation dans son journal : "A cela près l'incendie était superbe." A Neubourg il marque encore : "Le tout formait un paysage superbe." Même curieuse joie de Fabrice à Waterloo : "Fabrice était encore dans l'enchantement de ce paysage curieux."

Les réflexions sur la beauté des incendies ou le spectacle insolite de la canonnade pourraient apparaître comme un divertissement grauit d'esthète, si elles ne dénotaient pas au contraire une volonté de distanciation par rapport à la guerre et à ses horreurs qui ont profondément marqué Stendhal. Le goût du beau lui sert ici de thérapeutique, c'est un moyen d'oublier la mort, la peur de la souffrance qui mène à la mort, et la peur d'en avoir peur.

Selon Mérimée, Stendhal n'aimait pas à parler de la mort, "la tenant pour une chose sale et vilaine plutôt que terrible".Dans Rome, Naples et Florence, l'écrivain lui-même dit qu'elle est un "scandale abominable", et il note dans son journal : "La pilule de la mort est amère, il faut que l'orgueil la cache, adoucisse le goût." En faisant appel à l'humour par exemple. Il aime à citer le mot du chevalier de Champcenetz, demandant au pied de l'échafaud en 1794 "si on ne pourrait pas se faire remplacer". Et dans sa prison Julien Sorel se souvient de cet autre mot de Danton que lui avait rapporté le comte Altamira : "C'est singulier, le verbe guillotiner ne peut pas se conjuguer à tous les temps. On peut bien dire : je serai guillotiné, tu seras guillotiné, mais on ne dit pas : j'ai été guillotiné."

Реферат опубликован: 11/04/2007