Stendhal

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"Au lieu de marcher du tendre au rusé", comme Rastignac, comme tous les ambitieux forcenés de ce temps . Mais Julien Sorel n'est pas de cette lignée. Ce dont il a besoin avant tout c'est de sa propre considération, fidèle en cela à une devise chère à Stendhal : "Se f . complètement de tout, excepté de sa propre estime." L'homme qu'il admire le plus, c'est Altamira, le conspirateur épris de justice sociale et pour lequel il n'est qu'une morale, celle de l'utilité. Telle est également dans les conditions particulières de leur classe, alors que toutes les fées se sont penchées sur leur berceau, l'attitude de Lucien et de Fabrice, comblés par le sort, mais qui se révèlent des "inadaptés" en ce sens qu'ils refusent d'entrer dans le jeu, de jouir sans remords de leurs privilèges et qu'ils jugent l'ordre social avec le même mépris lucide que le héros du Rouge et Noir.

Au dénouement, devant les jurés qui vont le condamner à mort, il se présente une fois de plus comme le "plébéien révolté" et prononce contre cette justice de classe, dont la fonction est moins de frapper le crime que la révolte devant l'ordre bourgeois, un réquisitoire passionné :

"Messieurs, je n'ai point l'honneur d'appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de sa fortune. "Je ne vous demande aucune grâce . Je ne me fais aucune illusion, la mort m'attend : elle sera juste. J'ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous les hommages. "Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d'autant plus de sévérité que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs. Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi mais uniquement des bourgeois indignés ."

Ce texte, souvent cité, que Stendhal écrivit dans les dernières années de sa vie, semble bien exprimer sa pensée profonde qu'il livre sans complaisance. Rien ne lui fait plus horreur que l'hypocrisie, et il ne veut pas se montrer meilleur qu'il n'est. D'où cette brutalité dans la franchise qui, au lieu de chercher à arrondir les angles, le conduit à accentuer le trait par un goût du scandale qui se confond avec celui de la vérité.

S'agissant du peuple, il nous livre le fruit de ses réflexions avec un rien de provocation qui cache sans doute une révolte profonde devant l'injustice de l'humaine condition. Oui, il désire passionnément le bonheur du peuple, mais ce serait un supplice de tous les instants que de vivre avec lui. Amer constat d'impuissance mais pourquoi jeter les belles âmes et farder la vérité ? Oui, il préfère la compagnie de ceux qui aiment la musique de Mozart et les tragédies de Shakesperare. Comme le dit un de ses héros : "Vivre sans conversation piquante est-ce une vie heureuse ?"

Non qu'il accepte l'injustice sociale et se range du côté des classes privilégiées. Qu'il s'agisse d'Armance, du Rouge et Noir, de Lucien Leuwen, ses romans sont une condamnation sans appel de la société née de la révolution bourgeoise, aucune des classes dirigeantes qui se disputent le pouvoir et l'argent ne trouve grâce à ses yeux : "Jamais les hommes de salon ne se lèvent le matin avec cette pensée poignante : comment dinerai-je ?"

Реферат опубликован: 11/04/2007